Crise sociopolitique et économique au Nicaragua
Depuis une dizaine d’années, TdHL soutient des projets sociaux au Nicaragua, avec le cofinancement du MAEE, pour assurer une attention socio-éducative, psychologique et médicale à des enfants et jeunes en situation de pauvreté extrême, menacés par l’addiction, la violence intrafamiliale, l’abus sexuel, la violation de leurs droits. TdHL et notre partenaire local Inhijambia ont tissé des liens étroits de confiance et de collaboration. Les projets sont menés efficacement et en toute transparence. La qualité du suivi est garantie par un superviseur externe indépendant qui connaît à la fois les coutumes locales et les exigences de la Coopération internationale.
Le Nicaragua, un des sept pays partenaires de la Coopération luxembourgeoise, a été considéré longtemps comme un des pays les moins violents d’Amérique Centrale, après de longues années de guerres civiles sanglantes, une politique d’ingérence des Etats-Unis et les combats de libération, menés par le Front Sandiniste de Libération nationale FSLN. Malgré la supposée sortie de la pauvreté après la fin de la dictature sanglante de Somoza en 1979 et l’arrivée au pouvoir du FSLN, le Nicaragua est resté jusqu’à présent le deuxième pays le plus pauvre d’Amérique latine.
Depuis le 18 avril 2018, voilà le Nicaragua plongé dans une violente crise sociopolitique et économique, dont une solution pacifique n’est pas prévisible. Pour pallier la faillite de l’Institut national de la Sécurité sociale, le Gouvernement Ortega avait annoncé, en avril 2018, une augmentation des cotisations pour les retraités, tout en réduisant les pensions déjà rachitiques. Cette mesure a provoqué des manifestations spontanées d’étudiants universitaires. La répression violente par le Gouvernement a eu comme suite une véritable insurrection populaire. Des milliers de Nicaraguayens se sont solidarisés et ont manifesté leur mécontentement à travers le pays, réclamant des élections avancées de 2021 à 2019 et dans l’immédiat la chute du régime autoritaire et peu transparent du Président sandiniste Daniel Ortega, à la tête du pays depuis 12 ans sans interruption, et de son épouse, la Vice-présidente Rosario Murillo.
Le climat sociopolitique au Nicaragua s’était envenimé déjà longtemps auparavant: le projet de la construction d’un canal transocéanique à travers le Lac Nicaragua avec des conséquences néfastes pour l’écologie et l’environnement, le déplacement forcé des populations indigènes, les injustices sociales et salariales, la corruption et le détournement de fonds publics en faveur d’entreprises privées contrôlées par le clan familial Ortega-Murillo, la répression de la liberté de presse, la manipulation de la Constitution pour permettre à Ortega de se présenter à une 3ème élection, le taux de chômage croissant et l’émigration forcée par des raisons économiques.
Les barricades de rue et les manifestations ont été et sont toujours réprimées brutalement, surtout par des « turbas sandinistas », des groupes paramilitaires masqués et armés sur lesquels le Gouvernement s’appuie et qui agissent en totale impunité envers les manifestants. Depuis avril 2018, les affrontements ont pris de l’ampleur et ont entraîné la mort de plus de 400 personnes, plus de 2.000 blessés, des centaines de détentions arbitraires et 30.000 personnes émigrées au Costa Rica et au Panama parce qu’ils sentaient leurs vies menacées. Le pays est au bord de la faillite étatique. La liste des victimes de ce conflit s’allonge à l’heure actuelle, le peuple nicaraguayen réclame justice et paix. Ce conflit sanglant n’est pas à la une de la presse internationale ou disparaît dans la foule de conflits internationaux actuels.
Le dialogue mené entre le Gouvernement et l’Alliance citoyenne pour la justice et la démocratie, avec la médiation de l’Eglise catholique et du patronat, est resté sans résultats à présent. Pour maintenir le pouvoir et gagner du temps, Ortega joue un double rôle : il propose le dialogue et fait écraser le désaccord dans la rue !
Par un communiqué du 20.7.2018, les Ministres Jean Asselborn et Romain Schneider ont exprimé leur vive préoccupation face à la détérioration de la situation au Nicaragua. Les fonds de l’’aide bilatérale du Luxembourg au Nicaragua ont été gelés jusqu’au retour du respect des droits humains par le Gouvernement Ortega.
Dans un contexte de violation des droits humains et d’incertitude pour l’avenir, le travail socioéducatif de nos partenaires nicaraguayens a pris une très grande envergure. Les jeunes bénéficiaires, dont beaucoup ont déjà subi la violence et l’abus sexuel intrafamiliaux, sont souvent témoins de scènes de violence, d’arrestations arbitraires et de massacres dans les rues. Durant ces huit mois de conflit des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur emploi, même dans le secteur du travail informel, et ne savent plus comment faire pour subvenir aux besoins élémentaires de leurs familles. L’activité principale des éducateurs et psychologues d’Inhijambia est d’aider leur population cible à gérer les traumatismes vécus, à les sensibiliser pour l’éducation à la paix, pour l’importance du dialogue comme seul moyen de résoudre pacifiquement les conflits en famille, à l’école, au travail et à niveau politique. Par des activités ludiques et des jeux de rôle, Inhijambia s’efforce de transmettre aux jeunes les outils pour pratiquer la tolérance et le respect des droits d’autrui. Inhijambia fait tout pour intégrer dans leurs activités les familles confrontées à cette situation d’injustice sociopolitique.
A côté de ces nouveaux défis, l’appui scolaire et les activités culturelles (musique, danse, travaux manuels), les prises en charge des jeunes en addiction et les activités agricoles à la Finca sont poursuivis. L’accès aux denrées alimentaires pour la population a été dramatiquement réduite, ce qui a conduit Inhijambia à utiliser les récoltes de l’exploitation agricole « Finca Yann Verdina », soutenue par Terres des Hommes, pour assurer des repas à ses bénéficiaires et à leurs familles et pour distribuer des paquets alimentaires dans les quartiers marginalisés de Managua.